A FLEUR DE PEAU

« A FLEUR DE PEAU » est la toute première exposition solo de Jean-David Nkot. Elle impressionne  par l’évolution de la qualité de son travail qui a gagné en maturité, en densité et en intensité depuis sa participation à  « JEUNES REGARDS URBAINS II »  montré en 2015 à l’Espace doual’art.  
Avec beaucoup de délicatesse mais quelquefois de façon abrupte, ce travail révèle la personnalité enfouie de ce jeune homme qui se cache derrière ces portraits qui épousent la quasi-totalité du support. Cette profusion de visages suscite, dans un premier temps, un sentiment de redondance ou de déjà vu. D’autant que certains des modèles sont souvent là, comme des compagnons de route dont l’escorte lui est nécessaire.
Quel être est en embuscade ? Sans aucun doute une personne dont la sensibilité est à fleur de peau, engluée dans la complexité de sortie d’adolescence et d’entrée dans le monde des adultes.
En effet, d’un côté, Nkot veut conserver/préserver les douceurs de l’adolescence, celles qu’il nous présente dans les séries de dessins aux teintes claires et pastelles, couleurs « fleur bleue » au premier regard.
De l’autre, il entrouvre une fenêtre sur sa perception du monde des adultes qu’il représente sur toiles : univers imposant par les dimensions des toiles, aux couleurs sombres, cruel qui va jusqu’au mortifère.  
Entre ces deux mondes, Jean-David parle de la gestation, de la sortie d’une enfance peu joyeuse, avec, en fond de scène, des abîmes de solitude et un appel muet à l’attention et à l’affection.

Les portraits que l’artiste nous propose nous interpellent sur les violences qui minent nos sociétés contemporaines, son thème de prédilection, mais surtout il questionne de façon extrêmement sensitive, à fleur de peau, notre humanité/déshumanisation, notre responsabilité/déresponsabilisation quant aux  maux qui désagrègent l’individu, la personne humaine.Jean-David Nkot s’inscrit avec force dans le monde global. Cette évidence saute aux yeux par  l’enveloppe, le timbre, l’affranchissement, les drapeaux et les adresses d’organisations multilatérales, les mots à découvrir tels « réfugié » ou « coltan »… . Mais encore une fois, à la finesse du trait, il suggère les frontières de quelques pays dont l’histoire contemporaine les rendent victimes ou responsables de violences, de guerres, de morts. Paradoxe du maître et de l’esclave, de la force et de la vulnérabilité.
Les matériaux et techniques qu’il utilise participent à la fidélité de son propos : la peinture acrylique pour sa malléabilité et sa docilité, l’encre de chine et le fusain pour cette capacité à lier les éléments tout en les démarquant subtilement, les pastels et sanguines pour leur douceur épurée, enfin et surtout le pochoir pour la précision et la reproduction rigoureuse de « la toile de fond ». Il joue avec les chiffres et lettres, noms d’armes massivement meurtrières qui, apposées en série comme le son d’une mitraillette ou quelquefois comme un tatouage, donnent un rythme au visage, au dessin, à la peinture.
 

« A FLEUR DE PEAU » est une exposition ambitieuse qui retrace les recherches  de l’artiste, montre ses obsessions thématiques et techniques, parle de ses démons, ses cris et douleurs, tout en exprimant sa tendresse et son humanité. Les 12 toiles de très grand format (2 m x 1,60) et la vingtaine de dessins présentées (38 pièces  au total), loin de nous inviter au désespoir et à l’accablement, sont une fenêtre sur la capacité humaine à affronter l’adversité et  une manière pour l’artiste de  célébrer la vie.
Cet artiste est une pépite, un animal fragile près à prendre la fuite ou à s’approcher, selon qu’il nous considère comme ennemi ou ami. On attend avec impatience la suite, parce que force est de constater que Jean-David travaille avec acharnement à construire son parcours plastique qu’il cherche à inscrire dans l’histoire des grands artistes.

Marilyn DOUALA MANGA BELL
Décembre 2016

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